Un Honnête Commerçant





Première semaine

Lundi 16 juillet 2001

Premier jour de tournage. Peu peuvent prétendre avoir bien dormi cette nuit... Prêt à tourner prévu à neuf heures. Arrivée de la régie et de la production vers 6h45, les yeux encore fatigués. L'équipe arrive petit à petit, chacun prend ses marques. La plupart se connaissent, parfois depuis l'école ou ont déjà travaillé ensemble. Bonne ambiance en perspective.

Nous tournons quelques séquences de la vie de Verkamen, simple employé des contributions, avant sa rencontre avec Chevalier. Il faut parvenir à montrer son évolution de séquence en séquence. Nous le voyons pointer, travailler et démissionner. En une journée de tournage, quelques mois de vie.

Le décor correspond parfaitement au scénario: le Ministère des finances à Liège. Quoi de plus vraisemblable ? Nous sommes entourés d'employés un peu étonnés par le débarquement d'une telle équipe: faut-il autant de gens, de matériel et de camions pour tourner un film ? Effectivement. Et encore, nous tournons avec une petite équipe, à 1000 lieues d'une production française ou américaine.

Mardi 17 juillet 2001

Petite visite de courtoisie de Monsieur Noiret sur le plateau. Impressionnant. Pour beaucoup l'émotion est grande. Philippe Noiret est un des comédiens avec lequel nous avons grandi: Zazie dans le métro, Alexandre le Bienheureux, Le vieux fusil, La grande bouffe, Fort Saganne, Les ripoux, Cinema Paradiso, ... Sa voix, son visage, sa taille... Souriant et drôle comme on l'imaginait. Ouf, pas de déception...

Propos de Nathalie Laroche et de David Quartigniez :

Un jour de printemps, Philippe nous laisse un message imprécis "j'ai un petit service à vous demander, rappelez-moi, c'est urgent!"

Le service était une proposition au couple d'acteurs que nous formons -jouer la femme de Verkamen et son amant surpris en plein péché d'adultère.

Nous acceptâmes et, débordant de conscience professionnelle commençons les répétitions, envisageons régimes et autres abdominaux.

La veille du jour J, nous étions l'un et l'autre habités par une étrange appréhension dont les symptômes étaient pour David une soudaine indigestion, pour moi un manque d'appétit inhabituel.

Nous allions tous deux nous retrouver comme souvent, allongés, nus, mûs par le plaisir mais pour la première fois devant témoins.

Se lever suffisamment tôt pour être déchiffonnés, s'habiller pour se dénuder d'ici peu, un seul café pour ne pas être trop énervés.

Sur le plateau, très vite, la douceur et la prévenance de l'ami Philippe, le tact de l'époux Verkamen, la délicatesse des regards de Virginie et de Marc, l'humour des oreilles attentives d' Hélène et d'Olivier, la discrétion d'Elodie, l'attention zélée et couvrante de Mabi et Christian, et la bienveillance de tous, nous ôtèrent toute gêne.

Sur chaque visage une seule et même interrogation : "ça va ??!!".

Nathalie & David

Mercredi 18 juillet 2001 (par Frédéric Fonteyne)

C'est avec beaucoup d'appréhension que je suis arrivé sur le plateau à Liège. J'avais peu dormi la veille, tourmenté par le rôle que j'allais jouer le lendemain. Il faut savoir que je ne suis pas un vrai comédien. La veille nous avons été manger avec Philippe Blasband, le réalisateur, Benoît Verhaert, le comédien principal, Philippe Noiret, qui joue Chevalier, Olivier Rausin, le producteur, et Stéphane Quinet, aussi producteur. J'étais très impressionné par tous ces gens. Je regardais mon assiette, et de temps en temps, je rigolais quand les autres rigolaient, mais dans le fond je pensais à mon rôle. Je ne me souviens même plus de ce que j'ai mangé. Je me souviens juste que Benoît Verhaert avait pris de l'autruche. Et qu'ils faisaient tous des blagues sur les autruches Wallonnes. Ils étaient tous détendus, à l'aise, et les mots d'esprits fusaient à tout bout de champ. Le restaurant était dans le coeur d'une ancienne abbaye, et un esprit étrange nous imprégnaient.

Le soir, j'ai logé à l'hôtel. On a vu les rushes de la veille et, pour moi, la tension montait. Heureusement il n'y avait pas de mini-bar dans la chambre, sinon je l'aurais vidé. Des odeurs étranges flottaient dans les couloirs. Tout était bizarre.

Le lendemain je suis arrivé sur le plateau. L'accessoiriste m'a donné le fusil avec lequel j'allais devoir jouer. Je l'ai touché, et je suis resté dans la loge pour me concentrer, puis j'ai enfilé le costume.

Arrivé sur le plateau je suis monté dans la voiture, un quatre fois quatre aux vitres teintées. Tout le monde s'afférait autour de nous. Il y avait Hélène qui était couchée dans la voiture, à l'avant, et elle tenait une perche, et il fallait faire attention que le fusil ne cogne pas la perche. Dehors Olivier écoutait le son et disait deux trois mots à Philippe. Et puis Philippe est venu me parler, tout doucement, très calmement, il me donnait de petites indications, et je me suis senti bien détendu. Je n'ai même pas senti que l'on tournait. Mon dos me faisait un peu mal, parce que j'étais dans une position inconfortable, mais je m'en foutais. Je jouais dans un film ! Au fur et à mesure je me suis laissé envoûter par cette ambiance. Il y avait un grand type, qui dirigeait tout le monde, avec une voix forte et posée. C'était comme un ballet.

Puis ils ont dit que c'était bon. On avait fait des plans dans tous les sens. Voilà, c'était fini. J'aurais voulu encore tourner, mais le réalisateur a dit que c'était bon, et ils sont passés au plan suivant.

Je suis resté sur le plateau, pendant des heures, et eux, ils continuaient à travailler, à se poser des questions, à filmer. Et puis je suis rentré chez moi.

C'était un des plus beaux jours de ma vie.

Jeudi 19 juillet 2001

Droixhe, cité maudite de la cité ardente. À Liège, la réputation de ce lieu n'est plus à faire... À en croire les habitants, dans ce repaire de malfrats, nous risquons de nous faire trucider à chaque coin d'immeuble. Pour la première fois depuis le début de tournage, un service de sécurité est engagé, trois jeunes du coin.

Droixhe, lieu tellement cinématographique, il fallait y tourner. Et dans le scénario: un petit appartement complètement vide. Les murs s'effritent, le plancher gondole...

Un dealer a voulu faire le malin. Chevalier explique à son élève, Hubert Verkamen, les bases du métier, comment remettre à leur place les employés récalcitrants.

L'immeuble où nous tournons est condamné à la destruction, pour vieillissement prématuré. Ses habitants l'ont déserté et les visites indélicates l'ont réduit à l'état de taudis. Par mesure de sécurité, tout l'immeuble est entouré de barrières. L'équipe s'y enferme, un garde de chaque côté. Les gens nous regardent de l'autre côté. Sensation bizarre. Nous sommes devenus des bêtes de foire, entre la femme à barbe et la mygale, mélange de curiosité et d'animosité.

Vendredi 20 juillet 2001

Propos du chef de file:

19 juillet, accompagné de mon fidèle destrier, Marc Dalmans, je parcourais Droixhe à la recherche de 12 figurants. C'est comme ça que j'ai fait, t'sais, et puis quand je suis arrive là, j'en avais 50 de figurants. Alors il a fallu faire un choix mais malgré le choix, ils sont quand meme revenus à 50. Alors la journée s'est bien passée mais c'est au moment de payer que ça a chié. Menaces verbales, ... Enfin, j'ai tellement eu les boules qu'après tout ça j'ai du m'asseoir.

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